Au cours des années 80, je composai un grand ensemble formé de quatre reliefs en plâtre, laissant apparaître entre eux des ouvertures permettant de deviner l'espace vide qu'ils étaient destinés à fermer.
J'appelai ma composition :« Le Mur de prière ». De grandes surfaces calmes et lisses y alternaient avec des reliefs beaucoup plus chahutés, voire chaotiques. Mais un rythme continu parcourait l'ensemble, lui donnant son unité et sa structure.
J'expliquai : « dans la prière, il y a des moments de paix et de béatitude auxquels succèdent souvent des temps d'inquiétude, de tumulte d'angoisse. La prière est parfois repos, chant de louange, mais elle exprime aussi la recherche continuelle de Dieu, tâtonnements, doutes, interrogations..., le tout ressenti comme une lutte.
Ce mur fut installé à la chapelle Saint-Bernard de la gare Montparnasse, à Paris.
Au fond de cette chapelle, ma sculpture - placée contre le mur de la sacristie perdit sa fonction d'origine.
J'avais voulu la situer entre deux espaces : un espace de célébration et un espace vide où il ne se passe rien. Inconsciemment, pour moi, ce mur de prière n'était acceptable que dans la mesure où, paradoxalement, il ne fermait pas, ne séparait pas mais permettait, au contraire, d'entrevoir le vide qui symbolise - dans la théologie judaïque, par exemple - la « présence-absence » de Dieu.
Je constatai alors que personne ne désirait expliquer ainsi le sens de ce mur. Certes, le propre d'un mur est de clôturer et délimiter un domaine ou une ville. Mais ce n'est justement pas le propre de ce «mur de prière». Lui, il permet au contraire le passage vers la profondeur d'un ailleurs. Plus exactement, faudrait-il dire qu'il n'y a pas d'un côté du mur Dieu, et de l'autre l'homme.
Non! Dieu est chez lui et de l'un et de l'autre côté, comme l'homme est interpellé par les deux côtés du mur.
Dans sa prière, l'homme aime s'orienter.
Dans le monde chrétien, les églises sont orientées vers le soleil levant, symbole du Christ lumière, du Christ ressuscité.
L'islam dans sa prière se tourne vers la Mecque, lieu significatif de sa croyance et de son unité.
Mais dans cette orientation même, la prière ne doit s'arrêter à aucun lieu, aucune région, aucune personne.
Elle doit mener ailleurs, elle doit être passage vers...
Pierre de Grauw extrait de «Paroles et sculptures» - Saint-Léger Editions - 2016